Travailleurs sociaux hors murs (TSHM), l’importance des liens sociaux pour les jeunes :

Un constat s’impose, beaucoup de jeunes décrochent du système scolaire et/ou des dispositifs d’insertion.

Cette rupture se produit de manière plus ou moins brutale, plus ou moins rapide, Sûrement a t elle  été accentuée par la crise de la COVID, peut-être que l’actualité mondiale anxiogène, la guerre en Ukraine, le réchauffement climatique amplifie ce phénomène et poussent des ados/jeunes adultes à abandonner ? 

Cependant, la principale cause se trouve dans la fragilité des liens sociaux dans laquelle ces jeunes et leurs familles évoluent.

Les TSHM de la fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe) sont souvent les premiers observateurs de l’exclusion de ces adolescents/jeunes adultes. Il existe 15 équipes implantées dans le canton. Leur rôle consiste à tenter de raccrocher ces jeunes, de les motiver à retrouver des raisons de croire en l’avenir.

Les liens sociaux, le moteur de l’inclusion : 

Les liens sociaux sont multiples, néanmoins selon le sociologue Serge Paugam ceux qui constituent le socle de l’inclusion sont le lien de filiation, le lien de participation élective, le lien de participation organique et le lien de citoyenneté. Autrement dit, les liens qu’entretiennent les individus avec leurs familles, leurs communautés, leurs groupe de pairs, les institutions,leurs travails. Il rajoute :

« La vie en société place tout être humain, dès sa naissance, dans une relation d’interdépendance avec les autres. Chaque individu inévitablement lié aux autres et à la société, non seulement pour assurer sa protection face aux aléas de la vie, mais aussi pour satisfaire son besoin vital de reconnaissance, source de son identité et de son existence humaine »

Ainsi, les liens sociaux assurent à la fois la protection et la reconnaissance. Ils permettent de bénéficier de solidarité et de se sentir valorisé en tant qu’individu. Force est de constater que Lorsque l’on connaît ces adolescents/jeunes adultes décrocheurs on perçoit très vite le défaut de protection ainsi que le manque de reconnaissance. Souvent, ils sont issus de familles pauvres, mais aussi précaires. La pauvreté c’est vivre avec peu, la précarité c’est l’incertitude sociale, n’entrevoir aucune garantie quant à son avenir. Combiné entre eux, ces deux états fabriquent des adolescents/jeunes adultes qui pressentent , que quoiqu’ils fassent ils n’accéderont pas au monde classique du travail.

La bande, l’occupation de l’espace public, une façon de se rassurer :

Dans ces conditions de vie, les jeunes cherchent à créer des groupes de pairs pour tenter d’assouvir leur besoin de protection et de reconnaissance. Effectivement , le paradoxe est que les jeunes constituent des bandes pour se sentir protégés. Protection qu’il n’estime plus recevoir de leur famille et/ou des institutions. D’ailleurs, la plupart d’entre eux coupent également les ponts avec les associations sportives/culturelles. Pour assouvir le besoin de reconnaissance, ils commettent des incivilités et ou des délits, seule façon qu’ils trouvent pour se sentir exister dans leur groupe de pairs. Les rixes entre jeunes sur l’espace public est aussi une délinquance liée à la reconnaissance sociale. Dans cette période post COVID il semble que ces faits divers se multiplient. D’ailleurs, il suffit d’observer les profils impliqués pour constater que la motivation première des protagonistes est uniquement liée à la volonté de promouvoir leur image sociale. Comme si après avoir coupé les ponts avec le monde des adultes ces jeunes cherchaient à créer leur propre univers, avec leurs codes. D’ailleurs, parfois des initiatives intéressantes émergent de ces groupes. Je pense ici aux formations de  RAP qui fleurissent sur tous les quartiers genevois. Pour certains, cette voie artistique se révèlera être un tremplin vers leurs vies d’adultes, mais pour la grande majorité elle n’est qu’un leurre qui donne l’illusion de posséder un statut et ne débouchera absolument sur rien . 

L’enjeu des TSHM, défier la défiance :

Pour les TSHM, la question qui se pose est celle de la confiance. En effet, des jeunes qui vivent ce processus de désaffiliation deviennent de plus en plus méfiants. Ils ne croient plus dans la parole des adultes. Méfiance également vis-à-vis des institutions, jugées injustes et/ou incompétentes à les soutenir.

Les faits divers qui relatent que des polices municipales/cantonales et /ou des pompiers se font caillasser lors d’intervention, bien qu’inadmissibles, démontrent la défiance de cette jeunesse. Certaines équipes de TSHM, se trouvent également dans ce type de relation avec des jeunes. Sans gagner leur confiance, sans aller chercher leur adhésion, rien n’est possible. C’est pourquoi, la pratique des équipes évoluent. 

Sécuriser et valoriser :

Toujours selon Serge Paugam, pour que ces jeunes s’insèrent, il faut répondre à deux besoins fondamentaux, à la fois « compter sur » c’est-à-dire l’aide matériel, psychologique, des proches (parents, amis… ) et des professionnels (enseignants, éducateurs sportifs…) Mais aussi être rassuré sur le fait qu’il compte pour eux, besoin de savoir qu’ils ont de la valeur.

Voici Un exemple de dispositif mise en place dans le quartier des Palettes à Lancy. Un contrat de travail de six mois à été proposé à cinq jeunes en rupture de liens sociaux. Ce contrat passé avec la commune leur a permis d’intégrer une régie et de travailler avec les concierges en place. Les tâches qui leur ont été confiées étaient utiles socialement donc valorisantes. Durant ce laps de temps, ils sont sortis de la logique de vie au jour le jour. Sécurisés, leurs groupes de pairs est devenu moins important au quotidien. Les faits d’incivilités ont fortement diminué dans ce quartier. En parallèle, l’espace public s’est transformé grâce à d’importants investissements municipaux, Work-out, city stade, jardins potagers… Ont signifié aux habitants qu’ils étaient considérés en tant que citoyen. D’autres exemples existent, à Bernex les TSHM ont créé les jobs repères en partenariats avec la commune. Il s’agit de proposer des heures de travail hebdomadaires au sein des services municipaux en parallèle d’un accompagnement social. Ou encore les logements proposer à des jeunes adultes en rupture de Liens à Carouge.

Conclusion :

L’ attachement social est le passeport vers l’inclusion et le garant de la cohésion sociale. 

Ouvrir des portes à des jeunes en rupture nécessite de regagner leur confiance. Pour cela, les Institutions doivent modifier leur pratique et Inverser le paradigme qui consistent à proposer une évolution par étapes pour aller vers l’accès à un travail/logement sans conditions préalables. Plutôt que de demander aux jeunes de s’adapter aux dispositifs, il faut adapter les dispositifs aux jeunes. 

Ce type d’accompagnement est un processus qui se déroule en cohérence avec d’autres professionnels. Cette pratique nommée l’intervention en réseau doit se renforcer si l’on veut recréer autour d’eux et leur famille un environnement soutenant et leur redonner des perspectives.

Les TSHM de la FASe agissent dans ce sens et tentent chaque jour de retisser des liens avec ces jeunes défiants.

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