Les Jobs repères ont pour but de sécuriser les parcours d’insertion des jeunes en rupture de liens sociaux et de valoriser leurs compétences.

Lorsque les individus ne bénéficient pas de liens sociaux suffisamment forts, ils courent le risque de perdre confiance en eux, de perdre confiance dans les autres et dans les institutions. Ils rentrent dans un processus de marginalisation qui peut aller jusqu’à mettre en place une logique d’auto exclusion (Jean Furtos psychiatre).

Selon le sociologue Serge Paugam, “tous les habitants des sociétés modernes sont interdépendants”. Notamment, en cas d’aléas de la vie où chacun doit pouvoir “compter sur” la solidarité de ses proches et celle de la société. Mais aussi, pour son évolution personnelle il est indispensable de “compter pour” ses proches et la société et trouver ainsi la singularité qui permet de sentir que l’on occupe une place utile pour soi et les autres.

Les liens sociaux qui favorisent l’inclusion sont :

– Le lien de filiation (familiaux)

– Le lien électif (groupes de pairs, associations)

– Le lien organique (travail)

– Le lien de citoyenneté (se sentir appartenir à une communauté politique, un pays)

Autrement dit, ces liens sociaux favorisent la protection et la reconnaissance. Les adolescents et les jeunes adultes qui n’en bénéficient pas vivent un processus de désaffiliation. Ils trouvent refuge dans des liens sociaux de compensation. Ils se rencontrent sur l’espace public et tentent ainsi de retrouver des liens de solidarité et de reconnaissance à travers leurs pairs.

Ils s’affranchissent du regard des adultes et investissent dans leur “ monde social ”. Ils créent un autre système de valeurs dans lequel la loyauté au groupe, “la valorisation de la force physique la confrontation aux institutions devient leur norme” (Thomas Sauvadet “le capital guerrier”)Ces jeunes au parcours biographique, relationnel et institutionnel marqué par des ruptures nombreuses expriment leur mal être à travers des passages à l’acte violent et adoptent des conduites délinquantes.

D’autres, se coupent de toute vie sociale, se renferment, s’isolent et ont tendance à retourner la violence qu’ils vivent contre eux-mêmes (tentative de suicide, scarification, addictions aux écrans…)

Si l’on veut rester en lien avec ce public et travailler leur inclusion il est nécessaire de repenser la façon dont les institutions sociales travaillent auprès d’eux.

Deux enjeux majeurs,

Le premier consiste à adapter l’accompagnement social, à la réalité que le jeune rencontre. Autrement dit, il s’agit de sortir du modèle d’accompagnement en « escalier », modèle qui consiste à procéder par palier. Ainsi, cette ascension est conditionnée par des critères normatifs. Un « bon » comportement autorisera la personne à gravir une marche du système tandis qu’un comportement déviant aux règles de la structure ne correspondant pas aux attentes des professionnels (retards, absence aux Rdv…) aura pour effet de faire stagner la personne à cette étape, voire de provoquer son renvoi et donc de rester en dehors de tout processus d’insertion.

L’approche « des jobs repères » consiste à permettre aux jeunes en rupture de liens sociaux d’accéder rapidement à un “emploi”, sans conditions. Il s’agit d’heures de travail inscrites dans l’emploi du temps hebdomadaire (5h à 10h) permettant de créer des repères et d’une durée de 3 mois à 12 mois renouvelable, selon les situations. C’est à partir du travail proposé que les TSHM accompagnent le jeune et l’incite à modifier ses comportements (absence, retard, code du monde du travail…) les TSHM peuvent articuler et retravailler les liens familiaux, institutionnels qu’ils ont besoin de construire et/ou de rétablir.

Le second enjeu :

Les jobs repères intègrent la notion d’imprévu inhérente aux comportements des jeunes en rupture de liens sociaux. Il s’agit « d’accepter d’être surpris » et de réévaluer la situation. Ainsi, un retard, une absence, un passage à l’acte, deviennent une opportunité pour le TSHM de travailler de nouveaux apprentissages plutôt qu’une raison d’exclusion. Pour être opérant, ce système demande de travailler en amont avec les entreprises/services municipaux prêts à accueillir ce profil de jeunes. D’impliquer des référents d’entreprise qui soient en mesure d’encadrer les jeunes durant le temps de travail et qui adhèrent à la logique que le manquement à certaines règles n’est pas forcément rédhibitoire. Autrement dit, de préparer le terrain.

Les TSHM de Bernex possèdent une expérience dans la mise en place des Jobs repères,

Depuis un an, ils l’expérimentent en partenariat avec les services communaux. Le chef du service social a présenté le projet à tous ses homologues (service environnement, voirie…). Tous ont proposé des heures de travail régulières à des jeunes. Les TSHM, travaillent étroitement avec des référents et des bilans sont effectués. La première évaluation est intéressante puisque 12 jeunes ont bénéficié de ce dispositif. Ils ont recréé des liens sociaux, notamment avec leurs parents, repris confiance en eux et/ou trouvé une formation. Pour d’autres, des difficultés psychiques mais, aussi des troubles divers ont été détectés et ils sont accompagnés vers des interlocuteurs spécialisés dans ces domaines. Depuis le mois de juin 2023, les jobs repères se développent également à Lancy grâce au soutien de la commune.

Ce modèle d’intervention concerne uniquement certains profils de jeunes. Beaucoup de dispositifs d’insertion et de formation fonctionnent très bien et répondent aux besoins d’accompagnement que rencontrent les jeunes. En aucun cas, il doit se substituer à l’existant mais plutôt venir en complémentarité. Pour les TSHM c’est une logique qui demande de développer l’intervention en réseau, de relier autour du jeune tous les acteurs en mesure de l’aider. Et ainsi, qu’il puisse renouer avec la sensation de compter pour et compter sur.

FASE – Gil PALAU –14.07.2023

Laisser un commentaire